Je suis sûre que vous avez déjà presque tous vécu cette situation : une entreprise plus ou moins bien intentionnée cherche un traducteur plus ou moins bien rémunéré pour effectuer des traductions… plus ou moins de qualité. Pour peu que le donneur d’offres ait la fausse bonne idée d’invoquer le célèbre « on ne peut pas vous rémunérer (beaucoup), mais ça vous fera de la pub/de l’expérience », il court le risque de se faire tabasser à grands coups de dictionnaires.
Le plus souvent, la demande se présente ainsi : « On cherche un étudiant en traduction pour traduire notre site web. Ce n’est pas très bien payé, mais ça vous fera de l’expérience. »
Et, le plus souvent, les réactions des professionnels sont les suivantes :
Argument n° 1 : le tarif
Bouuuuh, quelle honte, proposer à un étudiant un travail mal rémunéré. Enfin, 7 €/heure pour tondre une pelouse, d’accord, mais pour une traduction, en dessous de 30 €/heure, c’est un scandale.
Argument n° 2 : la qualité
Si le travail est réalisé par un étudiant, le résultat sera forcément mauvais. Même s’il est en master et qu’il sera diplômé un mois plus tard. Le petit génie de la traduction ne lui rendra visite que le jour de la cérémonie de diplôme. Ou plus exactement, dix ans après, parce qu’il faut énormément d’expérience pour être un bon traducteur. Donc, surtout, n’engagez jamais de novices. (Tiens, c’est drôle, l’éternelle boucle du « il faut de l’expérience pour être engagé, il faut être engagé pour avoir de l’expérience »…)
Argument n° 3 : la concurrence
En général, la même personne selon qui un étudiant proposera forcément une traduction médiocre va également crier à la concurrence déloyale. S’il est possible de payer moins cher pour obtenir un piètre résultat, pourquoi diable les bons traducteurs seraient-ils encore engagés ?
Argument n° 4 : le feedback
Comme l’employeur n’y connaît probablement rien en traduction, il ne donnera pas de feedback à l’étudiant, et ce ne sera donc pas constructif. Je ne suis pas tout à fait d’accord : l’expérience sera certes différente de celle proposée dans une agence de traduction ou auprès d’un indépendant, mais elle permettra en revanche d’avoir un aperçu d’une relation avec un client direct.
Conclusion :
Je comprends qu’on défende notre profession et qu’on veuille éviter de laisser croire que n’importe qui peut traduire n’importe quoi. Mais je trouve dommage que ce genre de propositions reçoive presque toujours un accueil défavorable de la part d’anciens qui les analysent du point de vue de professionnels chevronnés et non de débutants. Personnellement, j’ai effectué des traductions quand j’étais étudiante et j’ai adoré ces expériences – bien plus que mes autres boulots d’étudiant. Je pense que dans les bonnes conditions, ce genre d’offres PEUT constituer une proposition win-win : le débutant y gagne une petite ligne sur son CV, et l’entreprise une traduction moins chère, qu’il faudra bien sûr relire en contrepartie.
Tout dépend aussi du type de traduction demandé : certains projets nécessitent effectivement des professionnels. Mais de même qu’il n’est pas toujours nécessaire d’engager un jardinier chevronné pour tondre une pelouse, il n’est pas forcément indispensable d’engager un traducteur ayant 15 ans d’expérience pour traduire des documents à vocation privée par exemple.
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