Je me suis lancée comme traductrice freelance en 2013 – mon dieu, que le temps file… Je vous avais parlé de mes débuts, je vous avais dit où j’en étais deux ans après, maintenant qu’on approche du dixième anniversaire (je ne m’en remets pas), le temps est venu de faire un nouveau petit tour d’horizon.

Freelance en solitaire

Quand je regarde le parcours de certains collègues traducteurs qui ont agrandi leur activité, qui se sont lancés en société, qui ont engagé des sous-traitants, je dois admettre que de mon côté, je « stagne » un peu. Je ne m’en plains pas, bien sûr, c’est mon choix : j’ai toujours travaillé seule et je ne me sens pas encore prête à passer à l’étape suivante. Ce n’est peut-être pas la meilleure décision d’un point de vue commercial, mais je n’arrive tout simplement pas à me faire à l’idée d’avoir à gérer plusieurs personnes, alors que j’arrive déjà à peine à me gérer moi-même !

Ça a du bon : mes clients savent que c’est *moi* qui traduirai leur texte, ils savent à quoi s’attendre, ils savent les projets que j’accepte ou non, ils connaissent mes disponibilités.

Mais ça n’a pas que du bon : travailler seule, quand on est freelance, ça ne veut pas seulement dire traduire seule. Ça veut dire tout gérer seule : la prospection, la comptabilité, le site web, le marketing, tout. Résultat, ceux qui me suivent l’auront sans doute constaté : si j’étais très active les premières années, j’ai petit à petit lâché du lest. J’ai laissé mon site en standby, j’ai arrêté d’écrire des articles, j’ai presque disparu des réseaux en tant que Mockingbirds.

Je m’étais un peu trop reposée sur mes lauriers

Les premières années, mon activité a très bien fonctionné, très rapidement. J’ai donc arrêté d’écrire des articles, de prospecter, de m’occuper de mon site web, d’intervenir sur les forums. Pour être tout à fait honnête, ce n’était pas uniquement par flemme, mais aussi pour des raisons personnelles, des problèmes privés qui ont éteint ma « flamme » et qui m’ont laissée en pilote automatique. Malheureusement, comme je l’ai dit, quand on est freelance, on est seul : si on est malade, si on est triste, si on est démotivé, personne ne reprend le flambeau. Ça fait partie du statut, et il faut en être conscient.

Mais bref, comme mon activité fonctionnait bien, je l’ai un peu laissée en roues libres. Je me suis même offert le luxe de refuser pas mal de projets. Or, puisque je ne sous-traite pas, quand je refuse un projet, le client l’assigne simplement à un autre traducteur – avec le risque qu’il continue de se tourner vers ce traducteur pour la suite. Travailler seule, ça veut aussi dire trouver l’équilibre entre les projets qu’on accepte et ceux qu’on refuse : on ne peut pas en accepter trop au risque d’être surchargée, mais si on en refuse trop, on se retrouve à manger des pâtes à la fin du mois.

En fin de compte, après quelques années, je me suis rendu compte qu’il était temps que je me reprenne. Mon activité fonctionne toujours bien, mais je dépends principalement de « gros » clients, et c’est toujours un risque quand on est freelance : si l’un de ces gros clients disparaît, c’est une grosse partie du chiffre d’affaires qui s’en va avec lui.

La reprise en main

Me revoilà donc, avec un nouveau site web, de nouveaux articles, de nouvelles interventions sur les réseaux sociaux. J’ai retrouvé le plaisir des débuts, l’envie de partager mon expérience, d’échanger avec des collègues, de chercher de nouveaux clients. Je ne peux pas parler pour tout le monde, mais dans mon cas, ma vie personnelle et ma vie professionnelle sont liées : quand je vais mal sur le plan personnel, cela déteint sur le plan professionnel. Je me suis lancée comme traductrice par passion, j’aime vraiment ce métier. Et pourtant, pendant quelques années, j’ai fonctionné en pilote automatique. Je me contentais des clients que j’avais, je n’en cherchais pas de nouveaux, je refusais même les demandes de nouveaux clients. Il m’a fallu du temps pour retrouver cette passion non seulement de la traduction, mais de tout ce que le statut de freelance implique.

Conclusion

Freelance ou salarié, il est difficile pour tout le monde de trouver l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Pendant des années, j’ai dit à qui voulait l’entendre que ce n’était pas un problème pour moi, que je gérais ça très bien. En fait, je pensais à ceux qui laissent leur vie professionnelle empiéter sur leur vie privée, qui travaillent 60 h/semaine et qui n’ont plus de temps pour eux, et c’était loin d’être mon cas. Mais je ne réalisais pas que j’étais dans la situation inverse : je laissais ma vie privée empiéter sur ma vie professionnelle. Or, être traducteur freelance, ce n’est pas un hobby, c’est un métier – il faut donc savoir faire la part des choses et garder son activité à flot, même quand sa vie personnelle part à vau-l’eau.

En fin de compte, qu’on travaille depuis deux ou dix ans, je pense qu’il est toujours positif de faire un petit état des lieux de son activité, d’évaluer où on en est et de prendre des mesures éventuelles pour redresser la barre ou simplement pour aller encore plus loin 😊


5 Comments

Roxane · 3 mars 2022 at 13h57

traductrice freelance depuis plus de 11 ans, traductrice tout court depuis plus de 17 ans… comme je me retrouve dans vos articles 🙂

Muriel · 3 mars 2022 at 14h17

Welcome back 🙂 belle analyse de nos vies, je confirme à peu près tout : les hauts et les bas, le mix vie perso/vie pro, la tendance se laisser porter par la vague (même quand on vit loin de la mer !) … Haut les cœurs !

    Marjorie Gouzee · 3 mars 2022 at 14h24

    Décidément, on aime les métaphores maritimes aujourd’hui 😀

Jane Bonnin-Wright · 14 mars 2022 at 16h54

Bonjour Marjorie. Je viens de lire votre article et je me reconnais par rapport au statut d’indépendant que je vis depuis maintenant 11 ans. Je viens de cesser mon activité d’organisme de formation (anglais) pour me reconvertir vers le métier de traductrice français- anglais. J’ai eu le plaisir de travailler sur plusieurs projets de traduction (des guides de voyage notamment )pendant cette période, mais je ne pouvais pas y consacrer autant de temps que j’aurais voulu. Bref ! Me voilà au début d’une nouvelle aventure et je suis ravie de voir qu’il y a des traductrices expérimentées avec le sens du partage. Merci pour vos articles 🙂

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